OULIPO 1

 

            QU’EST-CE QUE L’OULIPO

            JACQUES ROUBAUD & MARCEL BÉNABOU


OULIPO ? Qu’est ceci ? Qu’est cela ?

Qu’est-ce que OU ? Qu’est-ce que LI ? Qu’est-ce que PO ?

OU c’est OUVROIR un atelier.

Pour fabriquer quoi ? de la LI. LI c’est la littérature, ce qu’on lit et ce qu’on rature.

Quelle sorte de LI ? La LIPO. PO signifie potentielle. De la littérature en quantité illimitée, potentiellement productible jusqu’à la fin des temps, en quantité énorme, infinies, pour toutes fins pratiques.

QUI ? Autrement dit, qui est responsable de cette entreprise insensée ? Raymond Queneau, dit RQ, un des pères fondateurs, et François Le Lionnais, dit FLL, co-père et compère fondateur, et premier président du groupe, son Fraisident-Pondateur.

Que font les OULIPIENS, les membres de l’ OULIPO (mathématiciens et littérateurs, littérateurs-mathématiciens et mathématiciens-littérateurs) ?

Ils travaillent.

Certes, mais à QUOI?

A faire avancer la LIPO.

Certes, mais COMMENT ?

En inventant des contraintes. Des contraintes nouvelles et anciennes, difficiles et moins diffficiles et trop diiffiiciiiles.  La Littérature Oumipienne est une LITTÉRATURE SOUS CONTRAINTES.

Et un AUTEUR  oulipien, c’est quoi ?

C’est « un rat qui construit lui-m^me le labyrinthe dont il se propose de sortir ».

Un labyrinthe de quoi ?

De mots, de sons, de phrases, de paragraphes, de chapitres, de livres, de bibliothèques, de chapitres, de livres, de bibliothèques, de prose, de poésie, et tout ça, et tout ça, et tout ça…

 

 


            RÈGLES QUI RÉGISSENT L’OULIPO

            RAYMOND QUENEAU

 

            1 - Le groupe de l’Oulipo n’est pas un groupe fermé. Il s’étend par cooptation à de nouveaux membres.

            2 - Nul ne peut être exclu de l’Oulipo.

            3 - En contrepartie (on n’a rien sans rien) nul ne peut démissionner de l’Oulipo, ni cesser d’en faire partie.

            4 - Il s’ensuit que quiconque a été membre de l’Oulipo le reste. Cela implique en particulier que les morts font toujours partie de l’Oulipo.

            5 - Pour corriger ce que la dernière règle a de trop contraignant, une exception a été prévue. On peut cesser de faire partie de l’Oulipo dans les conditions suivantes : en se suicidant, mais devant huissier, qui constatera que le suicide de l’Oulipien considéré est, selon ses dernières volontés explicites, destiné à lui faire quitter l’Oulipo et à retrouver sa liberté de manœuvre pendant le reste de l’éternité.Cet énoncé des règles montre un exemple du raisonnement oulipien, en effet la règle 5 est inapplicable. En effet, l’huissier serait accusé de non-assistance à personne en danger s’il acceptait de constater un suicide.

 

 


             LETTRE 1

            JACQUES ROUBAUD


            Je viens de recevoir ta dernière lettre et j’y réponds immédiatement. Tu me demandes si j’ai bien reçu ta dernière lettre et si j’ai l’intention d’y répondre.

            Je me permets de te faire remarquer que l’envoi de ta dernière lettre fait que la lettre que tu m’as envoyée précédemment n’est plus désormais ta dernière lettre et que si je réponds comme je suis en train de le faire à ta dernière lettre, je ne réponds pas à celle qui est maintenant ton avant-dernière lettre. Je ne peux donc satisfaire à la demande que tu me fais dans ta dernière lettre.

         J’observerai par ailleurs que ta dernière lettre ne répond pas contrairement à ce que tu affirmes, je te cite : « j’ai bien reçu ta dernière lettre et j’y réponds immédiatement » à la lettre où je te demandais, si je ne m’abuse (mais je ne m’abuse pas, j’ai des doubles) si tu avais bien reçu ma dernière lettre et si avais l’intention d’y répondre.

       En l’absence d’éclaircissements et de réponses de ta part sur ces deux points auxquels j’attache (à bon droit je pense) une certaine importance, je me verrai, à mon regret, obligé d’interrompre notre correspondance.

 


             LETTRE 2


 Je n’ai pas encore reçu ta prochaine lettre mais j’y réponds immédiatement. Tu m’y demandes si j’ai bien reçu ta dernière lettre et si j’ai l’intention d’y répondre.

                Tu me demanderas peut-être comment, n’ayant pas encore reçu ta prochaine lettre, je peux savoir que tu m’y demandes si j’ai bien reçu ta dernière lettre et si j’ai l’intention d’y répondre.

                La réponse est simple

                Toutes tes lettres, et celle-ci sera la trois cent dix-septième (je les ai toutes, ainsi que les doubles de toutes mes lettres) commençant par :

                « As-tu reçu ma dernière lettre ? Si oui, je serais fort étonné que tu ne l’aies pas reçue encore (si c’était le cas, fais-le moi savoir), as-tu l’intention d’y répondre ? »

                C’est ainsi que commençait la première lettre que j’ai reçue de toi.

                C’est ainsi que commençait la deuxième, la troisième, et ainsi de suite jusqu’à ta dernière lettre, la trois cent seizième.

                Raisonnant donc par induction, j’en déduis que ta prochaine lettre commencera comme les précédentes.

                Je me considère en conséquence autorisé comme si je l’avais dès maintenant reçue.

                Et je te réponds comme suit :          

            « Je viens de recevoir ta dernière lettre et j’y réponds immédiatement. Tu me demandes si j’ai bien reçu ta dernière lettre et si j’ai l’intention d’y répondre. Je me permets de te faire remarquer que l’envoi de ta dernière lettre fait que la lettre que tu m’as envoyée précédemment n’est plus ta dernière lettre et que si je réponds comme je suis en train de le faire à ta dernière lettre, je ne réponds pas à celle qui est maintenant ton avant-dernière lettre.

                Je ne peux donc satisfaire à la demande que tu me fais dans ta dernière lettre.

         J’observerai par ailleurs que ta dernière lettre ne répond pas, contrairement à ce que tu affirmes (je te cite : « J’ai bien reçu ta dernière lettre et j’y réponds immédiatement ») à la lettre où je te demande, si je ne m’abuse (mais je ne m’abuse pas, j’ai les doubles) si tu avais bien reçu ma dernière lettre et si tu avais l’intention d’y répondre.

                En l’absence d’éclaircissements et de réponses de ta part sur ces deux points auxquels j’attache (à bon droit je pense) une certaine importance, je me verrai, à mon regret, obligé d’interrompre notre correspondance. »

 


            LETTRE 3


                Je viens de lire ta première lettre : elle date du 23 novembre 1960.

                Tu m’as donc écrit, en moyenne, depuis cette date, une lettre toutes les six semaines deux tiers – il n’y a jamais eu d’intervalle de moins de six semaines et de plus de sept entre deux de tes lettres – et quelque chose m’a frappé :

                Tu m’écrivais je te le rappelle, au cas où tu l’aurais oublié :

                « As-tu reçu ma dernière lettre ? Si oui (et je serais fort étonné que tu ne l’aies pas reçue encore (si c’était le cas, fais-le moi savoir), as-tu l’intention d’y répondre ? »

                Or, je n’ai aucune trace dans mes archives, où je conserve de manière systématique et absolue toutes les lettres que je reçois et des doubles de celles de toutes celles que j’envoie, je n’ai aucune trace, dis-je, d’une lettre de toi antérieure à celle du 23 novembre 1960, dont je viens de te rappeler la première phrase.

                Ni d’ailleurs, ce qui est au moins aussi troublant, de cette lettre de moi à laquelle tu fais allusion au milieu de ta lettre de 23 novembre 1960 qui, dans mes archives, porte, de ma main, inscrit en haut à gauche du quart de feuille 21X27, format dont tu ne t’es jamais départi pendant toutes ces années, au crayon, le numéro 1.

                Pourtant, je me souviens on ne peut plus clairement de l’arrivée de ta lettre du 23 novembre 1960. Je venais de rentrer chez moi après une réunion de travail avec des amis. L’écriture m’était inconnue, ainsi que la signature, Q.B. Je ne connais toujours pas, après quarante ans, autre chose de ton nom que tes initiales.

                 Je t’ai répondu immédiatement, et notre correspondance, quarante ans plus tard, dure encore.

                Comme tu me dis, dans cette même lettre, celle du 23 novembre 1960, que tu conserves dans tes archives de toutes les lettres que tu envoies comme de toutes celles que tu reçois (information que tu ne manques pas de répéter, je le remarque en relisant notre correspondance dans toutes, je dis bien toutes tes lettres) tu as certainement conservé le double de celle dont tu parles au commencement de la lettre dub 23 novembre 1960.

                Tu pourras donc éclaircir aisément ce petit mystère.

 


            LA DICTÉE

            JACQUES JOUET


            Vous savez que toujours vous, comme d’ailleurs toujours et comme d’ailleurs d’ailleurs finit sur la lettre commençant savez, savez-vous que savez finit sur celle par où zèbre commence ? Si vous ne le savez, savez-vous que commence, tout comme commençant et comme comme même redouble bien la lettre où commence ce même ? Savez-vous qu’en d’ailleurs, on redouble la lettre qui commence la et qui commence lettre (celle qu’encore on redouble en celle), qu’en aussi se redouble celle qui commence se ?

                Non ? Vous ne savez pas ? Mais vous ne savez rien ?

                Sachez donc que sachez finit comme savez, que la lettre qui finit finit souvent aussi finit, finit encore commençant et toujours se redouble en plein milieu de lettre, quand rien ne se gémine en gémine ou milieu et qu’on n’a jamais rien redoublé dans redouble !

                Vous par contre risquez de redoubler souvent si vous ne savez pas que risquez finit par où zébu commence, que zèbre, zébu et même n’on pas sur l’e le même accent, mot lui-même dans lequel on redouble la lettre qui finit donc, quand celle encore qui commence donc m’a tout l’air de finir quand.

                Oui, l’exercice est infini, même désespérant, puisque infini ne finit même pas sur le graphème qui finit finit, finit encore le mot mot, ainsi que le mot accent et que le mot désespérant.

                Pardon, ai-je dicté graphème ? ah, vous ferez une faute, à moins que vous sachiez la graphie de ce –phème, qui n’est pas celle du –fe de faute. Non ? FRANCOIS CARADEC

Ous ne le savez pas ?... Et que mais, comme jamais, finit comme toujours ?... Et pas et moins et dans comme jamais, toujours ? Non ? Mais est-ce que vous savez quelque chose ?

                Et non ? Est-ce que vous savez que non finit et commence par ce qui finit rien, parce qui bien ?

 


 

            DE LA DIFFICULTÉ QU’IL Y A À IMAGINER UNE CITÉ IDÉALE

            GEORGES PEREC


             A -  Je n’aimerais pas vivre en Amérique mais parfois si.

             B -   Je n’aimerais pas vivre à la Belle étoile mais parfois si.

             C - J’aimerais bien vivre dans le Cinquième mais parfois non.

             D -  Je n’aimerais pas vivre dans un Donjon mais parfois si.

             E - Je n’aimerais pas vivre d’Expédients mais parfois si.

             F – J’aime bien vivre en France mais parfois non.

             G – J’aimerais bien vivre dans le Grand Nord mais pas trop longtemps.

             H – Je n’aimerais pas vivre dans un Hameau mais parfois si.

             I – Je n’aimerais pas vivre à Issoudun mais parfois si.

             J – Je n’aimerais pas vivre sur une Jonque mais parfois si.

             K – Je n’aimerais pas vivre dans un Ksar mais parfois si.

             L – J’aurais bien aimé aller sur la Lune mais c’est un peu tard.

             M – Je n’aimerais pas vivre dans un Monastère mais parfois si.

             N – Je n’aimerais pas vivre au « Négresco » mais parfois si.

             O – Je n’aimerais pas vivre en Orient mais parfois si.

             P – J’aime bien vivre à Paris mais parfois non.

             Q – Je n’aimerais pas vivre au Québec mais parfois si.

             R – Je n’aimerais pas vivre sur un Récif mais parfois si

             S – Je n’aimerais pas vivre dans un Sous-marin mais parfois si.

             T – Je n’aimerais pas vivre dans une Tour mais parfois si.

             U – Je n’aimerais pas vivre avec Ursula Andress mais parfois si

             V – J’aimerais bien vivre Vieux mais parfois non

             W – Je n’aimerais pas vivre dans un Wigwam mais parfois si

             X – Je n’aimerais pas vivre à Xanadu mais parfois si

             Y – Je n’aimerais pas vivre dans l’Yonne mais parfois si

             Z – Je n’aimerais pas que nous vivions tous à Zanzibar mais parfois si

 

 


 

            ACRUNS INSULTANTS

            FRANCOIS CARADEC

 

            Abruti de naissance et par hérédité

            Ballot qu’on n’ira pas chercher au bout du quai

            Con comme une valise et le balai des chiottes

            Dégueulasse flicard et suppôt des R.G.

            Enfoiré débectant les plus gras saligauds

            Foutre de nom de dieu de petit con merdeux

            Gâteux qui a perdu le sens de la mesure

            Humble petit crétin produit par deux idiots

            Imbécile ahuri par ta propre bêtise

            Jocrisse bégayant des insultes bien molles

            Kroumir sentant le pet l’ail et le patchouli

            Lamentable minus excessivement con

            Merdeux se dépassant en grimpant à l’échelle

            Nullité s’efforçant d’égaler le zéro.

            Opulente fripouille aux réflexions obscènes

            Pénible grenouilleur escroc de bas étage

            Quintuple trou du cul cueilli dans la poubelle

            Ringard comme un vieux pet et fier comme un morpion

            Stupide mollasson marchand sur ses roustons

            Tête de nœud salingue et porteuse de bran

            Ultime gradation de dégénérescence

            Vil rat noir essayant de prendre le métro

            W- C brenneux chantant un air de cul

            Xylophage broutant la rondelle des chiottes

            Yéti au crâne étroit comme celui du Pape

            Zoïle qui attend le renvoi d’ascenseur

 

 


 

            POÈME DE MÉTRO

            JACQUES JOUET

 

            J’écris, de temps à autre, des poèmes de métro.

            Ce poème en est un.

            Voulez vous savoir ce qu’est un poème de métro ?

            Un poème de métro est un poème composé dans le métro, pendant le temps d’un parcours.

            Un poème de métro compte autant de vers que votre voyage compte de stations, moins un.

            Le premier vers est composé dans votre tête entre les deux premières stations de votre voyage (en comptant la station de départ).

            Il est transcrit sur le papier quand la rame s’arrête à la station deux.

            Le deuxième vers est composé dans votre tête entre les stations deux et trois de votre voyage.

            Il est transcrit sur le papier quand la rame s’arrête à la station trois.

            Et ainsi de suite.

            Il ne faut pas composer quand la rame est en marche.

            Il ne faut pas transcrire quand la rame est arrêtée.

            Le dernier vers du poème est transcrit sur le quai de votre dernière station.

            Si votre voyage impose un ou plusieurs changements de ligne, le poème comporte deux strophes, ou davantage.

            Si par malchance la rame s’arrête entre deux stations, c’est toujours un moment délicat de l’écriture d’un poème de métro.

 


 

            POÈME DE BOULOT

            OLIVIER SALON

 

            J’écris, de temps à autre, des poèmes de boulot.

            Ce poème en est un.

            Voulez vous savoir ce qu’est un poème de boulot ?

            Un poème de boulot est un poème composé au boulot, pendant le temps d’une journée de travail.

            Un poème de boulot compte autant de vers que d’irruptions de votre supérieur hiérarchique dans votre bureau moins une.

            Le premier vers est composé dans votre tête entre les deux premières irruptions de votre chef dans votre bureau.

            Il est transcrit sur le papier en présence de votre chef hiérarchique pendant qu’il vous donne des instructions.

            Le deuxième vers est composé dans votre tête entre les irruptions deux et trois de votre supérieur dans votre bureau.

            Il est transcrit sur le papier quand votre supérieur fait de nouveau  irruption, etc.

            Il ne faut pas transcrire entre deux irruptions.

            Il ne faut pas composer quand votre supérieur est dans votre bureau.

            Si votre supérieur hiérarchique vous convoque dans son bureau, n’oubliez pas votre calepin afin de transcrire devant lui.

            Si vous croisez votre supérieur hiérarchique dans un couloir et que vous n’avez pas votre calepin, vous devrez feindre de ne pas l’avoir vu.

            Si malgré cela votre supérieur hiérarchique et vous oblige à vous arrêter, il y a de fortes chances qu’il soit lui-même en train de composer un poème de boulot de supérieur hiérarchique.

            Si deux ou plusieurs supérieurs hiérarchiques sont amenés à faire irruption dans votre bureau, le poème compte deux strophes, ou davantage.

            Le dernier vers ne doit jamais être composé après 17 heures.

            Si par malchance votre supérieur hiérarchique vous impose des heures supplémentaires, c’est toujours un moment délicat de l’écriture d’un poème de boulot.

 

 


 

            POÈME DE DODO

            OLIVIER SALON

 

            J’écris de temps à autre des poèmes de dodo.

            Un poème de dodo est un poème composé dans votre lit, pendant le temps d’une nuit, agitée de préférence.

            Un poème de dodo compte autant de vers que votre nuit compte de rêves.

            Le premier vers est composé dans votre tête pendant le premier rêve de votre nuit.

            Le deuxième vers est composé dans votre tête pendant le deuxième rêve de votre nuit.

            Le troisième vers est composé dans votre tête pendant le troisième rêve de votre nuit.

            Le quatrième vers est composé dans votre tête pendant le quatrième rêve de votre nuit.

            Le cinquième vers est composé dans votre tête pendant le cinquième rêve de votre nuit.

            Le sixième vers est composé dans votre tête pendant le sixième rêve de votre nuit.

            Le septième vers est composé dans votre tête pendant le septième rêve de votre nuit.

            Le huitième vers est composé dans votre tête pendant le huitième rêve de votre nuit.

            Le neuvième vers est composé dans votre tête pendant le neuvième rêve de votre nuit.

            Le dixième vers est composé dans votre tête pendant le dixième rêve de votre nuit.

            Le onzième vers !

            Le douzième vers !

            Le treizième vers !

            Le quatorzième vers !

            Il ne faut pas composer en dehors des rêves.

            Si lors d’un rêve vous rêvez que vous prenez le métro, vous devrez dans ce rêve écrire un poème de métro, et le transcrire tel quel à l’intérieur du poème de dodo.

            Si lors d’un rêve vous rêvez que vous prenez le métro, qu’assis dans la rame vous vous êtes assoupi et que vous rêvez de votre boulot, alors vous devez dans le rêve du rêve écrire un poème de boulot, et l’inclure comme simple vers à l’intérieur du poème de métro que vous auriez dû écrire pendant le premier rêve.

            Si par malchance vous vous endormez définitivement durant la nuit, c’est toujours un moment délicat de l’écriture d’un poème de dodo.

 


 POÈME DE BISTRO

IAN MONK

 

J’écris de temps à autre des poèmes de bistro.

Ce poème en est un.

Voulez vous savoir ce qu’est un poème de bistro ?

Un poème de bistro est un poème composé dans un bistro, pendant le temps d’une beuverie.

Un poème de bistrot compte autant de vers que votre beuverie compte de verres, moins un.

Le premier vers est composé dans votre tête entre les deux premiers verres de votre beuverie, en comptant le verre de départ.

Il est transcrit sur le papier quand le coude redémarre au verre deux.

Le deuxième vers est composé dans votre tête entre les verres deux et trois de votre beuverie.

Il est transcrit sur le papier quand le coude redémarre au verre trois.

Et ainsi de suite.

Il ne faut pas composer quand le coude est en marche.

Il ne faut pas transcrire quand le coude est arrêté.

Si votre beuverie impose la visite de plusieurs établissements, le poème comporte deux strophes, ou davantage.

Le dernier vers du poème est transcrit sur le banc de police.

Si par malchance le verre se renverse sur le poème, c’est toujours un moment délicat de l’écriture d’un poème de bistrot.

 


 ERRATA

PAUL FOURNEL

 

                Suite à des problèmes survenus au marbre, la nouvelle intitulée « La Jeune Fille » que nous avons publiée dans notre dernier numéro comporte quelques erreurs dont vous voudrez bien nous excuser.

 

Page 1 ligne 4 : lire Robert au lieu de Norbert.

Page 2 ligne 8 : Mimi au lieu de Sissi

Page 2 ligne 12 : retors au lieu de retour 

Page 4 ligne 1 : Robert au lieu de Norbert

Page 5 ligne 2 : Plutôt que Elle le rencontra au bal, lire Elle le rencontra au bar

Page 6 ligne 8 : Robert au lieu de Norbert. 

Page 8 ligne 3 : au lieu de Louis se pencha sur elle et plongea dans le bleu de ses yeux, lire          Louis se pencha sur elle et plongea ses doigts dans ses yeux. 

Page 8 ligne 7 : Module au lieu de  Modèle

Page 11 ligne 11 : Robert au lieu de Norbert 

Page 12 ligne 14 : au lieu de Elle prit un malaise ce qui n’arrangea pas ses problèmes familiaux, lire Elle prit un balèze ce qui n’arrangea pas ses problèmes familiaux.

Page 15 ligne 3 : lire cache au lieu de cache. 

Page 16 ligne 3 : Robert au lieu de Norbert

Page 18 ligne 7 : au lieu de Le geste de Louis lui toucha le cœur, lire D’un geste, Louis lui toucha le corps. 

Page 20 ligne 9 : Robert au lieu de Norbert. 

Page 20 ligne 11 : calme au lieu de clame. 

Enfin page 21, la toute dernière phrase du texte n’est pas : Bouleversé du bonheur d’avoir dit oui dans la cathédrale, il leva les yeux vers Dieu et se frappa deux fois le cœur, mais, Bouleversé de fureur d’avoir vu Louis dans la cathédrale, il bascula son prie-Dieu et le frappa deux fois au cœur. Mais là, le lecteur aura rectifié de lui-même.

               

 


 LES AMNÉSIQUES N’ONT RIEN VÉCU D’INOUBLIABLE

HERVÉ LE TELLIER
 


A quoi tu penses ?
 

Je pense que j’ai du mal à m’empêcher de bailler si quelqu’un baille en face de moi.

Je pense que les poissons ne savent pas quand c’est vendredi.

Je pense que la mouche qui barbote dans votre verre et qu’on sauve de la noyade ne vous dit jamais merci, la garce.

Je pense que personne ne s’étonne de la présence de monologues au théâtre, alors qu’il n’y a tout de même que les dingues qui parlent tout seuls

Je pense que dans les films de cape et d’épée, lorsqu’une scène se déroule dans les bois, le gentil peut se mettre sur n’importe quelle branche d’arbre, le méchant à cheval passe toujours en dessous.

Je pense que si je pouvais abandonner mon ancien corps et me transférer dans un corps neuf, j’aurais malgré tout peur de mourir coincé dans l’ancien, cependant que mon double, usurpateur et parfait, envahirait le nouveau.

Je pense que les moules ont l’air d’être habillées pour se rendre aux enterrements des huîtres.

Je pense que si quand un avion s’écrase, tout est détruit sauf la boîte noire, on ferait mieux de voyager en boîte noire.

Je pense que contrairement à Gina Lollobrigida dans Notre-Dame de Paris, la vraie Esméralda avait forcément du poil aux pates.

Je pense que si j’étais guide dans un château, de temps en temps, je raconterais n’importe quoi pour voir.

Je pense que les Romains de 20 ans avant Jésus-Christ ne devaient pas se douter qu’ils vivaient en plein compte à rebours. D’ailleurs, peut-être qu’en ce moment on est en moins quelque chose avant je ne sais qui.

Je pense qu’il y a certainement des maladies mortelles tout à fait inconnues, parce qu’elles se déclarent après 150 années d’incubation.

Je pense que je rajoute toujours du poivre sur les plats, sans même les goûter, Et que si c’est trop poivré après, je fais comme si de rien n’était.

Je pense que je t’aime bien, coiffé comme ça.

Je pense que quand j’ai un chat dans la gorge, je bois du lait, et que je ne sais pas quoi faire quand j’ai des fourmis dans les jambes.

Je pense que ces gens qui décortiquent leurs crevettes et les entassent sur un coin d'assiette pour se décider à les manger quand tout le monde a fini les siennes méritent qu'on leur en vole.

Je pense que la barbe blanchit avant les cheveux parce qu'on parle plus qu'on ne pense.

Je pense que les poules sont tellement connes qu’elles ne savent même pas qu’elles s’appellent des poules.

Je pense que lorsque je commence à trouver tristes, voire poignantes, des chansons stupides, c’est que je ne vais pas très bien.

Je pense qu’après un rock endiablé, je fais comme si de rien n’était, alors que je n’arrive pas à reprendre mon souffle et que j’ai soif comme un damné.

Je pense que je ne saurais pas distinguer une jeune fourmi d’une vieille.

Je pense que la vie sentimentale devait être bien plus simple pendant la préhistoire, quand les tribus comptaient cent personnes à tout casser et qu’on mourrait à trente ans.

Je pense qu’on a bien le droit de penser que Godot aurait mieux fait de se presser.

Je pense que dans les films d’horreur, les gens qui entendent un bruit suspect dehors sortent toujours de leur maison pour voir ce qui se passe, même s’ils savent qu’un dangereux maniaque s’est échappé de l’hôpital psychiatrique.

Je pense que je trouve toujours le réplique cinglante trop tard, le lendemain de la dispute.

Je pense que si j’étais une mouche suspendue à l’envers, je ne verrais pas le monde de la même façon.

Je pense qu’un certain mercredi du mois de mai 1979, je me suis réveillé persuadé d’être la veille, et que je n’ai jamais retrouvé le moindre souvenir de ce que j’ai fait ce mardi là.

Je pense qu’il est certains journaux qu’on ne cite jamais sans omettre de préciser discrètement qu’on les a lus chez le coiffeur ou chez le médecin.

Je pense que ce con de Dieu n’a pas remarqué qu’il a créé  un endroit dans le dos où il est impossible de se gratter.

Je pense que si les jouets des gosses pensaient, ils seraient morts de  trouille.

Je pense que vu ce que je fais de mes dimanches, l’immortalité doit être ennuyeuse, à la longue.

Je pense que lorsque l’on fait revenir des champignons dans une poêle, il se trouve toujours quelqu’un pour dire : « ça réduit beaucoup.»

Je pense que ça m’arrive trop souvent de composer un numéro de téléphone et d’oublier qui j’ai appelé à l’instant où le correspondant décroche.

Je pense que beaucoup de garçons s’imaginent, à tort, que Morphée est une fille, parce qu’on dors dans ses bras.

Je pense que souvent, au concert, personne n’applaudit à la fin du morceau de peur d’être le seul à applaudir avant la fin du morceau.

Je pense que, quand je mets des boules Quiès, j’entends tout ce qui se passe à l’intérieur de moi, le sang, la respiration, les cartilages, et que tout de même, c’est un peu inquiétant.

Je pense que l’otarie était l’animal préféré du président Ceausescu : ça ne mange pas de viande, ça supporte le froid, et ça applaudit tout le temps.

Je pense que le premier oiseau qui a quitté le sol pendant l’ère secondaire a dû vachement étonner ses copains.

Je pense qu’on ne peut jamais dire exactement ce qu’on pense, justement.

 


PARAPÈTERIES

FRANCOIS CARADEC


                 Les parapèteries ressemblent à des contrepèteries mais n’en sont pas.

 1- juste une petite frite, mademoiselle Joséphine ?

2- Les Italiens ne chantent pas dans les Pouilles.

3- La femme de l’archéologue aime les fouilles sérieuses.

4- Le pape rit des frasques de la petite Ginette.

5- Il n’y a pas que dans les postes qu’on voit de beaux bottins.

6- L’évêque n’aime pas que la belle organiste prenne des airs de Purcell.

7- Atterré par la tempête, le marin a baissé son foc.

8- Le pape remercia la duchesse de l’avoir fait mander.

9- Pour attirer les amateurs, le libraire leur montra son Pline.

10- Sacrebleu, s’écria le roi en soulevant le cornet de Sabine.

11- Fermez la porte sur le gond, petite friponne.

12- La Chine se soulève à l’appel du japon.

Le cuisinier secoue les nouilles.

 

 


 BRITANNICUS (extraits)

MICHELLE GRANGAUD

 

A : Quoi !

B : Quoi ! Vous !

C : Non, non.

A : Ah ! Ah !

B : Mais quoi !

C : Quoi, Madame

A : Ah, Prince !

B : Ah, Dieux !

C : Hélas !

A : Ah Narcisse !

B : Ah ! Quoi, Seigneur !

C : Quoi, Narcisse !

A : Quoi ! Quoi donc !

B : Quoi, Madame !

C : Ah, Seigneur !

A : Ah ! Seigneur !

B : Moi ! Hélas !

C : Ah ! Seigneur !

A : Ah ! Cher Narcisse !

B : Quoi ! Hélas ! Hélas !

C : Quelle nuit !

A : Quoi !

B : Ah ! Seigneur !

C : Quoi ! Quoi !

A : Ah !

B : Hé bien !

C : Quoi ! Ô Dieux !

A : Mais quoi ?

B : Hé bien !

C : Que di-je ?

A : Ah ! Madame !

B : Ah !

C : Quoi !

A : Quoi !

B : Que dis-je ?

C : Ah !

A : Hélas !

B : Hé bien !

C : Mais que vois-je !

A : Ah, Dieux !

B : Hé bien !

C : Ah ! Quoi !

A : Mais hélas !

B : Hélas !

C : Ah ! Hélas !

A : Ah ! N’en voilà que trop !

B : Hélas !

C : Hé bien, gardes !

A : Hélas !

B : Ah !

C : Ô Ciel !

A : Quoi, Seigneur, sans l’ouïr ?

B : Ah !

C : Ô Ciel !

A : Hé bien donc !

B : Quoi Seigneur !

C : Ô Ciel !

A : Ah !

B : Ô Dieux !

C : Ah !

A : Quoi !

B : Quoi !

C : Quoi !

A : Ah ! Madame !

B : Mais quoi !

C : Hélas !

A : Quoi ?

B : Ah ! Hélas !

C : Ah ! Prince !

A : Ah ! Ma chère Princesse !

B : Quoi, Madame !

C : Hélas !

A : Ah ! Ô Ciel ! Ah ! Mon Prince !

B : Quoi !

C : Dieux !

A : Moi ! Madame !

B : Hé ! Seigneur !

C : Ah, Ciel !

A : Ah, Madame ! Hélas !

B : Ah, Madame !

C : Ah Seigneur !

A : Quoi !

B : Plût aux Dieux !

 

 


LES HORREURS DE LA GUERRE

GEORGES PEREC


 Drame alphabétique

En trois actes et trois tableaux

 PERSONNAGES 

Le Capitaine Vainqueur /  L’Abbesse (d’origine auvergnate) /  Joseph K /  Le Conducteur de la Berline /  Le serveur du Mess (affligé d’un défaut de prononciation et par surcroît d’incorporation récente) /  Soldats Nonnes, Otages et Chevaux.

 

ACTE UN 

La scène se passe dans la cour du couvent de H., en Transylvanie supérieure à la fin de la première Guerre Mondiale.

                Le Capitaine Vainqueur a été chargé par l’Etat-Major de la Première Division D’infanterie Légère de recruter des filles pour un Bordel Militaire installé au Pecq à l’usage des permissionnaires et convalescents de la région parisienne.

                Il demande à la Supérieure du couvent de lui donner ses nonnes, le menaçant, si elle refuse, de faire fusiller quinze otages.

 

LE CAPITAINE VAINQUEUR

(dans un dernier appel à la bonne volonté de l’Abesse)

                      Abbesse ! Aidez !

 

L’ABBESSE (d’origine auvergnate)

(toujours pas décidée à se séparer de ses filles)

                      Euh…

(elle sort)

 

Le Capitaine Vainqueur, furibard, donne l’ordre aux soldats de fusiller les otages.

 

LE CAPITAINE VAINQUEUR

                      Eh ! Feu !...

Les soldats tirent. S’abattent les otages. Cependant revient l’Abbesse qui paraît avoir changé d’avis.

 

L’ABBESSE

                      J’ai…

Mais soudain elle aperçoit l’amas trucidé des otages et, parmi, elle reconnaît le corps de son amant, Joseph K.

 

L’ABBESSE (d’origine auvergnate)

                      Ah ! Chi –gît K !

Elle s’évanouit.

 

FIN DU PREMIER ACTE

 

ACTE DEUX

 

               La scène se passe dans la cour de la caserne. Le Capitaine Vainqueur a fini par obtenir six nonnes. Il les a mises dans une berline à destination du Pecq. Il donne ses dernières instructions au Conducteur de la Berline.

 

LE CAPITAINE VAINQUEUR

                      … Et les mène au Pecq !

 

LE CONDUCTEUR DE LA BERLINE

(faisant claquer son fouet)

                      Hue !

Mais une des Nonnes tente (maladroitement) de s’échapper.

 

LE CAPITAINE VAINQUEUR

(l’attrapant au passage, dans un grand éclat de rire sardonique)

                      Eh ! Restez !

Il la refout dans la berline puis fait signe au Conducteur qu’il peut derechef y aller.

 

LE CONDUCTEUR DE LA BERLINE

(faisant claquer son fouet)

                      Hue !

La berline s’en va au petit trot tandis que le rideau tombe.

 

FIN DU SECOND ACTE

 

 

ACTE TROIS

 

               La scène se passe  au mess des Oficiers où le Capitaine, sa mission accomplie, vient se désaltérer.

 

LE SERVEUR DU MESS

affligé d’un défaut de prononciation

(croyant se faire bien voir en faisant une remarque anodine sur la clémence du climat)

                      Vai doux.

 

LE CAPITAINE VAINQUEUR

(goguenard, lui montrant que ça ne prend pas avec lui et qu’il a tout de suite reconnu le conscrit de fraiche date)

                     Bleu ?

 

LE SERVEUR DU MESS

affligé d’un défaut de prononciation

(baissant la tête et acquiesçant, un peu honteux)

                      Vai

Le Capitaine Vainqueur boit de la bière dans de grosses chopes en grès.

 

LE CAPITAINE VAINQUEUR

                      Hic !

 

LE SERVEUR DU MESS

affligé d’un défaut de prononciation

(se frottant les mains à l’idée du profit qu’il va tirer de la bibition de son supérieur hiérarchique)

                      Six grès que z’ai !

Mais, tout rond qu’il soit, le Capitaine Vainqueur sait très bien combien de grès il a bu, ou, en tout cas, combien en payer.

 

LE CAPITAINE VAINQUEUR

                      Deux !

 

Puis il roule sous la table tandis que, piteux, le Serveur du Mess (affligé d’un défaut de prononciation) retourne à ses verres. Le rideau tombe.

 

FIN DE L’ACTE TROIS ET DERNIER

 


 LA PRINCESSE HOPPY

JACQUES ROUBAUD


                 En ce temps là la princesse avait un chien et quatre oncles qui étaient rois.

                Le premier roi avait nom Aligoté. Il était roi du Zambèze et des environs.

                Le deuxième roi avait nom Babylas. Il était roi d’Ypermétrope et des environs.

                Le troisième roi avait nom Eleonor (sans e) et le quatrième Imogène.

                Eleonor (sans e) et Imogène n’étaient pas rois de rien du tout. Ils avaient chacun un royaume très grand et très beau, mais le conte ne dit pas où présentement pour des raisons de sécurité.

                Le conte dit ce qu’il faut quand il faut et le conte dit maintenant qu’Aligoté rendait parfois visite à Babylas en son royaume, ou bien à Eleonor en le sien, ou encore à Imogène et le conte dit que semblablement il arrivait que Babylas rendît visite à Eleonor en son royaume, ou bien à Imogène en le sien, ou encore à Aligoté et le conte dit encore qu’Eleonor quelques fois visitait Imogène en son royaume, Aligoté en le sien, ou encore Babylas, qu’Imogène parfois s’en allait visiter Aligoté en son royaume, Babylas en le sien, et Eleonor encore. Du moins, c’est ce que dit le conte.

                Et quand le roi Aligoté se trouvait chez Babylas avec la princesse et son chien et que la princesse était descendue jouer à la balle avec son  chien sur la pelouse au bas du perron, le roi Babylas disait à Aligoté

« Mon cher cousin, si nous passions dans mon bureau ».

Mais ici le conte cesse de parler d’Aligoté et de Babylas et retourne à Eleonor qui allait visiter Imogène en son royaume. 

                Et le conte dit que quand le roi Eleonor se trouve chez Imogène avec la princesse et son chien et que la princesse était descendue jouer à la balle avec son  chien sur la pelouse au bas du perron, le roi Imogène disait à Eleonor

« Mon cher cousin, si nous passions dans mon bureau ».

Et quand Eleonor et Imogène était tous deux dans le bureau et qu’ils avaient tourné la clé, ils complotaient. 

                Il faut vous dire qu’en ce temps là, la princesse avait bien du souci. Car, chaque fois qu’un des rois, ses oncles (Aligoté par exemple) rendait visite à un autre de ses quatre oncles, un roi (Imogène par exemple), en son royaume et qu’ils entraient après l’avoir envoyée jouer à la balle avec son chien sur la pelouse au bas du perron et qu’ils tournaient la clé, ils complotaient…

                Ils complotaient contre un des quatre rois qui étaient ses quatre oncles ! Et qui plus est, il n’était pas rare qu’un des rois (Eleonor par exemple) se rende visite à lui-même en son royaume, accompagné de la princesse et du chien et, après avoir envoyé la princesse jouer à la balle s’enferme à clé dans son bureau avec lui-même pour comploter. Cela faisait beaucoup de complots et le chien en avait marre de jouer à la balle.

                Le conte rappelle ici que le roi Utherpandragon se trouva atteint du mal de la mort, il fit venir auprès de lui la princesse et son chien et aussi ses quatre neveux Imogène, aligoté, Babylas, Eleonor (sanse) et leur dit :

                « Mes enfant mon enfant, mon chien, je sais que je vais mourir. J’ai le mal de la mort et ça ne pardonne pas. Quand je serai mort, ajouta-il en se tournant vers les quatre rois ses neveux, je sais bien ce qui va se passer. Imogène, par exemple, va rendre visite à Babylas en son royaume, avec la princesse et son chien, et qu’est-ce qu’ils vont faire, je vais vous le dire. Ils vont envoyer la princesse jouer à la balle avec son chien sur la pelouse au bas du perron, ils vont entrer dans le bureau, tourner la clé et comploter. Contre qui ? je ne sais pas, je m’en fous et ça m’est égal. OK je ne peux pas vous en empêcher. J’ai le mal de la mort, je vais crever, Merlin me l’a dit y’a rien à faire. Mais il est une règle sacrée qu’en des temps immémoriaux institua Saint Benoît et que vous aller me jurer de respecter pour comploter. OK ? »

Et Utherpandragon continua d’une voix forte :

                « Règle de Saint Benoît :

                Soient trois rois parmi vous quatre : le premier ro, le deuxième roi, et le troisième roi.

                Le premier roi est n’importe quel roi.

                Le deuxième roi est n’importe quel roi,         Le troisième est n’importe quel roi.

                      Le deuxième roi peut-il être le même que le premier ? »

                      Of Course » dit Uther

Alors :

Le roi contre lequel complote le premier roi quand il rend visite au roi contre lequel complote le deuxième roi quand il rend visite au troisième doit être le même roi précisément contre lequel complote le roi contre lequel complote le premier roi quand il rend visite au deuxième, quand il rend visite au troisième.

OK dit Uther, ce n’est pas tout.

Quand un roi rendra visite à un autre, ils comploteront toujours contre le même roi. Et si deux rois distincts rendent visite à un même troisième, le premier ne complotera jamais contre le même roi que le deuxième. Contre tout roi enfin, il sera comploté au moins une fois l’an dans le bureau de chacun des rois.

J’ai dit (dit Uther) OK ? OK dit Uther et il mourut.

Le conte dit maintenant que la princesse et son chien auraient bien voulu savoir contre qui complotait l’oncle Imogène quand il rendait visite à l’oncle Babylas et qu’ils s’enfermaient à clé dans le bureau. Et, d’une manière plus générale, la princesse aurait bien voulu savoir par exemple si, étant donné deux quelconques de ses oncles, celui de ses oncles contre lequel complotait le premier quand il rendait visite au deuxième était, ou non, le même que celui contre lequel complotait le deuxième quand il rendait visite au premier.

« Oui » dit le chien.

Il avait ramassé la balle sur la pelouse au bas du perron et la tenait, baveuse, au travers  de sa gueule

« ne parle pas la bouche pleine » dit la princesse « et pourquoi oui s’il te plaît ? »

« Arc eue, un roue a uatre éléents est orcéent coutati » dit le chien.

Il excellait généralement dans la traduction chien-français quand il avait une balle au travers de ses canines.

« Ah » dit la princesse.

Il était temps d’aller goûter, ils remontèrent dans la cuisine où les attendaient la reine Ingrid. 

Or, dit le conte, les rois Aligoté, Imogène, Babylas et Eleonor étaient cousins germains et ils avaient quatre cousines germaines pour femmes. C’étaient les reine Adirondac, Botswanna, Eleonore (avec un e)  et Ingrid. La reine Adirondac était née de Zibiline y Zanivcovette. La reine Botswanna était née d’Yolande y Ygrométria. Les reines Eleonre (avec un e) et Ingrid étaient nées également mais le conte ne dit pas où, pour des raisons de sécurité. 

Le conte va droit au but et dit que quand Aligoté par exemple rendait visite à Imogène à seule fin de comploter avec lui selon la règle de  Saint Benoît, la reine Adirondac rendait visite à la reine Ingrid en sa cuisine. Et pendant que les rois complotaient, les reines faisaient de la compote. Tant et si bien qu’en s’es allant le roi Aligoté pouvait déposer un colis contenant le reste de compote qui n’avait pas été mangée au goûter destiné à la reine qui était l’épouse de roi contre lequel il avait l’après-midi même dans le bureau d’Imogène comploté.

Et c’est ainsi que ça se passait. 

A suivre.

Couché !

 


L’ARBRE À THÉÂTRE

PAUL FOURNEL


 Scène 1 : Le roi est triste, un malheur est sur le palais. La reine qui rentre de voyage ne parvient pas à le réconforter, il est triste pour une de ces deux raisons entre lesquelles vous spectateurs allez choisir :

                      La princesse sa fille a perdu le sourire (cf. scène 2)

                      La princesse a été enlevée (cf. scène 3)

 Scène 3 : La reine se lamente hypocritement devant le roi. La princesse disparue, c’est l’enfant qu’elle porte en elle qui règnera.

Dans la forêt la princesse ligotée tombe amoureuse de son ravisseur et lui demande de la ramener au palais pour lui prouver son amour. Au château, le roi et la reine se disputent. La reine a un amant dont elle est enceinte ( le roi : quoi, vous avez un amant et vous êtes enceinte !), le roi a un fils qui a disparu ( la reine : quoi vous avez un fils disparu !). Au milieu de cette dispute l’homme masqué et la princesse arrivent. Qui est l’homme masqué :

               est-il le fils du roi ? (cf. scène 5)

              le roi est-il son père ? (cf. scène 4)

 Scène 5 : Le héros affirme qu’il est le fils du roi. La princesse s’évanouit. La reine exige des preuves ( la reine : de preuves) et demande perfidement de faire passer le jeune homme dans la trappe à nobles pour voir s’il est bien de sang bleu b-(le chœur : la trappe à nobles !). Le roi ne voit pas l’absurde de la situation et accepte ( le roi : j’accepte). Seule la princesse peut sauver l’homme masqué :

               La princesse va-t-elle se réveiller ? (cf. scène 8)

              Restera-t-elle évanouie ? (cf. scène 9) 

(à répéter jusqu’à ce que le choix soit : la princesse se réveille)

 

 Scène 8 : La princesse se réveille. Elle montre à son père l’absurde de la situation ( la princesse : mais c’est absurde comme situation). Dans un accès de rage il oblige sa femme à essayer le dispositif, elle meurt. (tous : ouf !)

                  Happy end ? (cf. scène 12 + 14)

               Fin heureuse? (cf. scène 12 + 14)

 

(si le choix est happy end, dire les n° de scène en anglais. )

 Scène 12 : Le roi reconnaît son fils. (le roi : I am your father ; le héros : oh, daddy cool ; la reine : He ‘s crasy like a fool ; le chœur : oh Daddy addy cool) Le héros et la princesse sont tristes car ils s’aiment et ne pourront pas se marier étant frère et sœur.(mon frère ? ma sœur ? mon frère ma sœur mon frère ; chœur : oh oh ce serait le bonheur)

              Enchaînement avec scène 14

 Scène 14 : En fait par un jeu de mariages et d’adoptions, le héros et la princesse ne sont pas frère et sœur (le héros : ben t’es pas mon frère ? ; la princesse : ben t’es pas ma sœur ? les deux : ben t’es qui alors ?) et ils pourront se marier. ( le cheur : hein hein !)

 N.B : Il est bien évident qu’un tel résumé ne prétend pas restituer la rigoureuse cohérence que nous avons essayé de maintenir tout au long de la pièce.

 

 

 

FIN